Mémoriser
Mnémosyne
Déesse de la mémoire, elle aurait inventé les mots et le langage. Elle a donné un nom à chaque chose, ce qui rendit possible le fait de s'exprimer. Aimée de Zeus, de qui elle conçut les neuf Muses, elle est représentée par une femme qui est dans une attitude de méditation. Quelques Anciens l'ont peinte sous les traits d'une femme d'âge presque mûr. Elle fut aimée de Zeus qui coucha avec pendant neuf nuits. Après un an, au sommet de l'Olympe, Mnémosyne donna naissance à neuf filles qu'on appela "Les Muses".
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Compte tenu de ce qu'elles représentent elles sont les meilleures émissaires de la mémoire sémantique que nous expliquerons plus loin.
Calliope : Muse de l'éloquence - Clio : Muse de l'histoire - Érato : Muse de l'élégie - Euterpe : Muse de la musique - Melpomène : Muse de la tragédie - Polymnie : Muse de la poésie lyrique - Terpsichore : Muse de la danse - Thalie : Muse de la comédie - Uranie : Muse de l'astronomie.
La petite madeleine
Petites Madeleines qui semblaient avoir été moulées dans la valve rainurée d'une coquille de Saint-Jacques. Et bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d'un triste lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j'avais laissé s'amollir un morceau de madeleine. Mais à l'instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d'extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m'avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. Il m'avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon qu'opère l'amour, en me remplissant d'une essence précieuse: ou plutôt cette essence n'était pas en moi, elle était moi. J'avais cessé de me sentir médiocre, contingent, mortel. D'où avait pu me venir cette puissante joie ? Je sentais qu'elle était liée au goût du thé et du gâteau, mais qu'elle le dépassait infiniment, ne devait pas être de même nature. D'où venait-elle ? Que signifiait-elle ? Où l'appréhender ? Je bois une seconde gorgée où je ne trouve rien de plus que dans la première, une troisième qui m'apporte un peu moins que la seconde. Il est temps que je m'arrête, la vertu du breuvage semble diminuer. Il est clair que la vérité que je cherche n'est pas en lui, mais en moi. Il l'y a éveillée, mais ne la connaît pas, et ne peut que répéter indéfiniment, avec de moins en moins de force, ce même témoignage que je ne sais pas interpréter et que je veux au moins pouvoir lui redemander et retrouver intact, à ma disposition, tout à l'heure, pour un éclaircissement décisif. Je pose la tasse et me tourne vers mon esprit. C'est à lui de trouver la vérité. Mais comment ? Grave incertitude, toutes les fois que l'esprit se sent dépassé par lui-même ; quand lui, le chercheur, est tout ensemble le pays obscur où il doit chercher et où tout son bagage ne lui sera de rien. Chercher ? pas seulement : créer. Il est en face de quelque chose qui n'est pas encore et que seul il peut réaliser, puis faire entrer dans sa lumière.
MARCEL PROUST Du coté de chez Swann